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“Coupures” : l’urgence d’un spectacle qui taille dans le vif

Hélène Kuttner 14 janvier 2023
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© Jules Despretz

Ils sont jeunes, ou moins jeunes. Engagés, dynamiques, intelligents et talentueux. Les comédiens, scénographes, musiciens et auteurs de “La Poursuite du Bleu”, une compagnie émergente qui a déjà fait parler d’elle, pose ses valises dans le très beau Théâtre de l’Œuvre à Paris pour présenter leur dernier succès joué au Festival d’Avignon. Une fable écologiste, politique et humoristique, qui nous interroge en nous amusant : formidable.

Ça commence bien

© Jules Despretz

Nous sommes dans une assemblée de citoyens et devant nous Louise, une femme enflammée, se lance dans une harangue magistrale qui nous fait réaliser à quel point notre voix, légalement, que ce soit par le vote national ou une autre forme d’enquête publique, compte peu. Début un peu surprenant, car on se croirait dans une pièce interactive où chacun peut prendre la parole et descendre sur le plateau. Démagogie ? Réalité ? Et c’est après ce préambule que tout bascule, comme si l’introduction… était en réalité la conclusion. Car nous plongeons dans une histoire qui commence bien, pour se terminer mal. Un jeune maire écolo, père de famille et d’un engagement irréprochable, va tout mettre en oeuvre pour s’opposer à la pose d’antennes de relais 5G. Les citoyens, qui viennent de s’installer dans ce bourg classé, défilent à la mairie. L’assistante, l’épouse du maire sont aussi très engagées et le recours va se faire. Sauf que, en raison de la situation financière fragile du maire et de sa famille, qui sont tous agriculteurs et subissent les aléas délétères de la crise climatique, ce dernier va finalement accepter les loyers juteux que cette pose d’antennes relais permet d’obtenir.

Ecologie et principe de réalité

© Jules Despretz

Et c’est en cela que le spectacle est formidable. Il met en scène, au fil de saynètes ultra-rapides, rythmées comme une bande dessinée, avec très peu de décors, la tension qui existe entre le manque de moyens, l’administration souvent kafkaïenne pour obtenir des aides, un soutien, un conseil, un appui, et l’engagement radical que l’on veut tenir, pour soi-même et dans ce cas pour la santé de tous les citoyens qui sont vos électeurs. Le rythme des scènes s’accompagne d’un extrait musical joué au violon, les comédiens changent de costumes et de perruques à la seconde, on suit les péripéties de Frédéric, le maire, perdu dans un dédale de papiers et de dossiers à la Préfecture, pour finalement trahir sa promesse et ses électeurs. Samuel Valensi, comédien et philosophe, qui mène une recherche active sur le rôle de l’écologie dans le domaine de la culture, et Paul-Eloi Forget, comédien et acrobate, assurent le texte et la mise en scène de cette création avec leurs camarades acteurs : June Assal, Michel Derville, Valérie Moinet, Lison Favard et Emelyne Chirol sont épatants d’efficacité et de drôlerie. Bravo à eux, car on passe une excellente, intelligente et revigorante soirée.

Hélène Kuttner




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